
Centralisme ferroviaire français : il y a 50 ans, avant le TGV, une desserte beaucoup plus équilibrée
Qui n’a pas pesté contre le schéma des liaisons SNCF « en étoile » depuis Paris, obligeant les voyageurs d’un point A hors « étoile » à un point B ailleurs en France, à fréquenter obligatoirement la capitale et ses gares souvent distantes, en métro avec ses bagages, car c’est tellement plus fun. Un état de fait « incontestable et malheureux » tellement celà nous paraît naturel dans ce pays jacobin, centralisé, par excellence.
Carte du trafic ferroviaire publié par RFF (SNCF Réseau) en 2007

Et bien on se trompe, il y a à peine une cinquantaine d’années, au début des années 1970, le schéma ferroviaire était nettement plus équilibré entre les différentes villes du pays. Alors que les lois de décentralisation n’étaient pas encore en place (première en 1983) les usagers pouvaient se déplacer correctement d’un point à un autre du territoire. Témoin l’indicateur horaire Chaix, organe officiel de la SNCF, dont voici dans l’exemplaire de septembre 1971 la carte des « Grandes relations ».

Que constate-t-on ? L’étoile ferroviaire parisienne n’était pas la plus remarquable. Celles de Lyon, de Strasbourg, de Tours, de Bordeaux, de Limoges et Toulouse rivalisent d’ampleur et d’importance. Alors une question va se poser : qui est coupable ?
Qui a demandé à la SNCF cette « recentralisation » ?
En d’autres termes qui a demandé à la SNCF l’abandon du réseau « historique » en faveur du TGV ?
On peut-être tenté de répondre :
– Personne, c’est l’entreprise SNCF elle même qui a décidé, suivant ses propres convenances, techniques et financières, de favoriser le réseau LGV, y compris ses très chères gares TGV situées à plusieurs (dizaines de) kilomètres des gares centres, auxquelles les deniers publics auront du être mobilisés pour créer des accès en métro, en tramways, en bus.
– C’est l’Etat et dans ce cas il faut désigner le ou les responsables.
– Ce sont les élus locaux qui ont préféré le TGV. Eux on peut répondre à leur place : soit ils se sont fait berner par les discours des gouvernants, soit par le discours SNCF destinés à les rassurer. En d’autres termes leur opinion n’a jamais compté et l’opérateur historique a eu les coudées franches et a fait ce qu’il a voulu : supprimer les lignes qui « l’embarassaient ».
Oh il l’a fait en prenant le temps, pour les épuiser, créant même en son sein des « Directions régionales des relations avec les territoires et les élus ». Pour mieux faire passer les pilules, mieux leur faire avaler les couleuvres.
Les couleuvres ce sont : les fermetures ou suspensions de lignes, de dessertes, les fermetures des guichets, les fermetures de gares, les changements de grilles horaires pour un service moins attractif, les pertes de correspondances, les trajets plus longs déviés par Paris, les trains en sous capacité, etc.
Dans tous les cas ce ne sont pas les maires, les présidents d’agglomérations, les présidents de départements qui ont voulu cette « évolution vers le tout TGV ». Nous les mettons hors de cause.
Il reste deux possibles responsables. A vous de juger. A moins que ce ne soit les deux.
Disparition des liaisons transversales
Qui dit desserte du pays en étoile depuis Paris sous-entend qu’il n’y a plus de liaisons transversales. Et là aussi la carte de l’indicateur Chaix est très parlante. On y voit par exemple une liaison Genève – Bayonne qui n’avait pas honte à s’effectuer via le Puy en Velay, Mende et Rodez, en passant par les gorges sauvages de l’Allier sur la ligne des Cévennes, entre Saint-Georges d’Aurac et Labastide St Laurent.
Ce sont toutes ces relations qui faisaient la richesse des pays traversés. Sans compter la mise en place de trains de nuit un peu partout.

Les responsables de l’abandon des lignes ferroviaires qu’il y a 50 ans on appelait « Grandes relations » et que le gouvernement et la SNCF nomment maintenant « Lignes de desserte fines » et « Petites lignes » auront la mort des territoires ruraux sur leur conscience.
Dans beaucoup de pays européens les choses ne se sont pas passées aussi brutalement. Et ce sont eux qui nous donnent l’exemple actuellement : la Suisse, l’Italie, l’Autriche…
On pourra lire l’édifiant article de RailDuSud de mai 2024 :
LGV, démaillage : la recentralisation du réseau ferroviaire français tourne à l’exclusion des relations hors Paris
qui publie ceci :
