Lors du séminaire organisé par le Commissaire à l’aménagement, au développement et à la protection du Massif central et Orbimob le 4 avril dernier à Clermont-Ferrand nous avons assisté à la succession de litanies habituelles sur « ce qu’il faudrait faire » pour que le Massif central devienne un exemple dans la mobilité qui plus est décarbonée, mais ce qu’on ne pourra pas faire vu les budgets disponibles.
Et le ton était donné dès le départ par le Commissaire Paul-Henry Dupuy dont nous extrayons ceci de l’allocution d’ouverture :
« Le plan ne pourra pas sauver toutes les lignes de desserte fine mais il est indispensable qu’une dynamique comme Orbimob alimente une réflexion sur les priorités à retenir en la matière pour le massif central. »
Autrement dit c’est pas dans ce séminaire que les grandes orientations vont se décider, elles le sont déjà. « Et ici nous sommes au stade de la réflexion » traduction : ce forum ne sert à rien. Alors que les solutions existent, sont connues, pratiquées ailleurs depuis des décennies, et qu’on sait que le seul point qui échoppe c’est le financement. Et là le Commissaire au Massif central prévient et plutôt deux fois qu’une : « Le sauvetage des petites lignes ne sera pas possible pour tout le monde. »
Nous y voilà. Un avertissement fort éclairant : l’état va continuer à se désengager du réseau ferré auvergnat et donc disparition à terme de certaines lignes.
Messieurs d’Orbimob, à ces mots la salle entière aurait du se lever et sortir. Si le séminaire a été monté pour discuter de l’avenir du réseau auvergnat avec des trains très légers, des bus, et des vélos électriques, quel intérêt ? En tous cas ce n’est pas notre tasse de thé et on connait trop bien la chanson. Du temps perdu.
La mobilité décarbonnée en zone de montagne
Car c’était bien en filigrane le thème du forum et plus exactement : “Vers une transformation positive et réaliste”. Les limitations de l’exercice étaient déjà dans ce titre. Traduire : vers un changement mais pas trop, l’automobile doit rester la principale composante des déplacements dans notre territoire.
Continuons et lisons les objectifs présentés du séminaire :
« Echanger sur les thématiques des mobilités territoriales, armer le réseau territorial des acteurs et décideurs de la mobilité avec les outils nécessaires pour engager une stratégie de mutation de ce secteur, sûre et économiquement accessible. »
Hélas confirmation du constat précédent : mutation mais pas trop.
RER et électromobilité
On peut lire dans le compte-rendu officiel que 2 thèmes ont été développés « qui feront l’objet dans les mois qui viennent d’actions territoriales structurées ». Ah ? Orbimob serait donc à l’origine et le porteur de projet de ces 2 thèmes, avec des réalisations à la clé ? Fort intéressant. Quels sont-ils ?
« Le développement du réseau ferroviaire avec la possibilité d’une création d’un RER »
« L’élaboration d’une stratégie de déploiement de l’électromobilité pour le Massif Central. »
Sur les deux seuls et uniques points énoncés nous sommes éblouis par tant d’inventivité et d’initiative. Nous qui croyions que le feu vert de la création des RER avaient été donné par Macron le 27 novembre 2022, il y a 5 mois, alors qu’aucun projet de RER n’existait à Clermont, ni dans les cartons des structures administratives locales, ni à la SNCF, ni à la région, ni porté par une ou des association(s) ou collectif(s) existant(s), c’est pour dire le besoin effectif…
Il eut été par contre peut-être intéressant de parler du danger de la création de ces RER régionaux qui vont inciter à l’accentuation du regroupement des populations vers les « métropolettes » au détriment des fragiles équilibres ville / campagne, qui vont aspirer tous les financements, très limités, de 100 Milliards étalés jusqu’en 2040, récemment promis par la Première Ministre, au dépens des liaisons inter cités et de la desserte déjà frugale des zones moins denses. Surtout dans nos moyennes montagnes.
Quant à « l’électromobilité » que pouvait-on attendre d’un tel séminaire à part d’enfoncer les portes ouvertes que sont :
la transformation des trains diesel, majoritaires dans le massif central, par la technologie du train hybride batterie / électrique qui ne peut s’appliquer que dans le cas de lignes partiellement électrifiées ou avec des stations de charge, ce qui n’est pas le cas pour la grande majorité des lignes du massif central,
la transformation des trains diesel en trains à hydrogène / électrique, grand dada des politiques aujourd’hui, démarche qui n’a pas attendu ce rendez-vous pour être en cours d’expérimentation, ailleurs, dont la pertinence d’utilisation avant 2030 serait limitée selon une étude de l’ADEME à 34 lignes dont quelques unes intéressent quand même notre zone de montagne.
Les lignes choisies sont : Moulins Clermont-Fd, Lyon Roanne Clermont-Fd, Roanne St-Etienne, Boën St-Etienne, St-Georges d’Aurac Le-Puy St-Etienne, Marvejols Labastide Nîmes.
Etude complète disponible ci dessous :
Trains ‘hydrogène » qui sont bien une solution « d’électromobilité » puisque les moteurs y sont électriques alimentés par des génératrices à hydrogène.
l’extension de l’utilisation des fantastiques « bus à hydrogène » à haut niveau de service (BHNS) tant vantés et adoptés par la région Auvergne Rhône Alpes et son président Wauquiez qui n’a d’yeux que pour le routier – ça tombe bien ce n’est pas la région qui finance les infrastructures routières mais l’état et les départements – mais des bus dont les tangages donnent le mal de mer, dont le confort n’a strictement rien à voir avec le train et dans lesquels il est impossible de travailler. Voir la « ligne » Lyon – Trévoux avec ses 11 bus inaugurée en avril.
l’adoption de fausses solutions comme le « train très léger » lequel oblige à des réseaux ferroviaires en propre, détachés du réseau national, des investissements énormes dans les infrastructures, de nouvelles rames, de nouvelles stations et surtout un budget de fonctionnement conséquent pour les collectivités, du fait de la technologie très nouvelle. Ne parlons pas de la sécurité des personnes en cas d’intempéries (neige, fort vent, feuilles…) et du service fourni en terme de cadencement et de plage horaire, laissé au bon vouloir / pouvoir des collectivités locales.
l’équipement privé des foyers en véhicules électriques, que ce soit l’automobile, les vélos électriques, les trottinettes et autres systèmes de déplacement légers qui n’ont pas attendus ce séminaire pour être largement adoptés.
On pourra visionner l’intégralité des interventions Orbimob ici, et si on ne dispose pas de beaucoup de temps notamment celle fort intéressante et critique de Cécile Cuckierman qui a évoqué la nécessaire réouverture de l’axe ferroviaire Clermont-Ferrand Thiers Saint-Etienne Lyon à la 54ème minute ici.
A notre avis dans l’ensemble un nouveau coup d’épée dans l’eau que cette réunion organisée notamment par des universitaires, qui s’est quand même au final donné une mission : réfléchir à un plan RER clermontois. Bien joué, il est en effet inexistant. Une ébauche a même été présentée, de la même valeur que celle que nous avions présenté dans notre article France – après le tout TGV, le tout RER ? :
Sauf que Messieurs il existe des services au sein de Clermont Métropole, de la ville de Clermont Ferrand, de SNCF Réseau, de la Région et il existe aussi des usagers au sein des collectifs et associations qui sont tout-à-fait capables d’établir de tels schémas et faire apparaître leurs éventuels besoins.
A consulter : le site de l’association Orbimob.